Retour sommaire

La chute de Cosmos 954

Albert Ducrocq

L'aventure spatiale vient de connaître sa première alerte nucléaire...

Le 18 janvier 1978 c'est la première grande alerte nucléaire de l'ère spatiale. Le réseau de surveillance Norad suit les évolutions du satellite soviétique Cosmos 954 lancé quatre mois plus tôt et que les militaires américains savent porteur d'une pile atomique. Ce satellite perd de l'altitude à vue d'oeil de sorte que sa retombée est seulement une question de jours, avec toutes les conséquences que l'on peut redouter.
Le gouvernement américain hésite. Faut-il rendre la nouvelle publique ? Cela risque de déclencher une véritable panique à l'échelle mondiale. Or, après tout, le danger n'est que potentiel : il se peut que Cosmos 954 brûle tout entier dans les couches denses de l'atmosphère ou que, si certains de ses fragments atteignent le sol, leur chute ait lieu soit dans la mer, soit dans une zone inhabitée. Finalement les Etats-Unis décident de ne prévenir que quelques pays. Ils avertissent le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les pays membres de l'Alliance Atlantique, tout en prenant contact avec les Soviétiques qui se veulent très rassurants. Cette chute de Cosmos 954, reconnaissent-ils, est un fâcheux accident, mais il ne devrait pas y avoir de danger car une large destruction du satellite au moment de sa rentrée est quasi certaine. Seul facteur d'incertitude : il est impossible de dire à l'avance au-dessus de quelle région la retombée aura lieu. Cela en raison des aléas de la densité atmosphérique.

Cosmos 954, l'un des nombreux satellites militaires mis en orbite par les Soviétiques, contenait un réacteur nucléaire alimenté par 50 kg d'uranium enrichi. Il était destiné à surveiller au radar les évolutions des navires et des sous-marins américains.
C'est le 24 janvier, à 11 h 53 TU, que cette retombée de Cosmos 954 a lieu. Elle intervient au-dessus d'une région désertique du nord-ouest du Canada. Il est mal aisé de préciser le lieu exact. Les premières dépêches situent la chute « à 50 km à l'est de la partie la plus orientale du grand lac des Esclaves », c'est-à-dire à quelque 300 km à l'est de Yellowknife. Par la suite on recherchera des débris quelque 500 km à l'est, près du lac Baker. Sur le moment, on croit que rien n'a atteint le sol. Et l'atmosphère ne paraît même pas avoir été affectée. Des avions prennent l'air immédiatement, à la recherche d'un éventuel nuage radioactif. Les résultats, admettra très vite l'amiral Falls, chef de l'Etat-Major de la Défense du Canada, sont négatifs : ce nuage n'existe pas...


Une émotion considérable

Mais lorsque l'événement est rendu public en début d'après-midi par M. Zbigniew Brzezinski, conseiller personnel du président Carter pour les problèmes de défense, il va soudain prendre une grande dimension politique et soulever beaucoup d'émotion dans l'opinion publique mondiale. Cette dernière, en effet, apprend tout d'un coup que des piles atomiques tournent autour de la Terre, et en la circonstance il s'agit de piles à uranium très enrichi. Certains résument la situation en ces termes : un satellite russe porteur d'une charge nucléaire est tombé en Amérique... Les Canadiens sont très irrités. Certes, ils ont été alertés, mais par les Etats-Unis seulement et après que ces derniers se soient longuement entretenus avec l'URSS comme s'ils avaient eu besoin de l'autorisation de Moscou. En Union Soviétique, on cherche évidemment à minimiser l'incident. Le communiqué publié par l'agence Tass est très rassurant.
La chute du Cosmos 954 a lieu dans une région désertique du nord Canada. On voit ici des débris qui sont attribués au satellite soviétique.
Les questions qui se posent sont évidemment nombreuses. On s'interroge en premier lieu : pourquoi une pile atomique sur un satellite ? Est-ce autorisé par les accords internationaux ? Comment l'accident de Cosmos 954 est-il arrivé et que se serait-il passé au-dessus d'une région habitée ? Quels sont exactement les risques encourus ? Selon M. Zbigniew Brzezinski, si le satellite avait atteint une région très peuplée, on aurait pu avoir certaines inquiétudes.


En quête d'énergie

Pourquoi un générateur nucléaire sur Cosmos 954. L'explication est simple. La mesure répondait en premier lieu à la nécessité de disposer à bord du satellite d'une forte puissance électrique. Toute l'histoire des satellites nous est volontiers présentée comme une course à la compacité du matériel et à l'utilisation de composants au rendement toujours accru. Cela est exact. Mais il est non moins vrai que le nombre de systèmes embarqués sur les satellites est allé, depuis vingt ans, en augmentant beaucoup plus vite, ces systèmes étant très divers. Et ce facteur l'a largement emporté : ainsi, en dépit de la miniaturisation du matériel, avons-nous assisté à la construction de satellites de plus en plus gros, certains équipements étant très gourmands en énergie, de sorte que le problème de la production d'électricité se pose avec une acuité croissante.
Pis : il faut savoir que, fréquemment, les scientifiques doivent purement et simplement renoncer à des expériences faute d'électricité pour alimenter les appareils, les spécialistes considérant que la situation n'a aucune chance de s'améliorer. Aussi la création de générateurs puissants et légers figure ainsi en tête des recherches auxquelles, aux Etats-Unis comme en Union Soviétique, on a décidé d'accorder une importance prioritaire. D'ores et déjà en effet, on s'aperçoit que certains programmes d'utilisation du Spacelab ne pourront être exécutés comme on l'aurait voulu, faute d'énergie.
Par une curieuse coïncidence, la mésaventure de Cosmos 954 intervient au moment où, aux Etats-Unis, un vaste programme de recherches commence justement à être entrepris, à l'instigation de la NASA, pour l'élaboration d'un OPM ou Orbital Power Module. Dans un premier temps, il pourrait fournir 25 kW afin de faire passer de 21 à 100 jours l'autonomie orbitale du complexe navette-spacelab, des puissances de 50 à 100 kW devant être visées dans une seconde phase. Les techniques de cet OPM sont étudiées à la fois au Johnson Space Center de Houston et au Marshall Space Center de Huntsville.
Un certain nombre de solutions sont proposées dont la discussion sortirait évidemment du cadre de cette étude. Bornons-nous à repporter que, conventionnellement, les engins spatiaux produisaient leur énergie à partir de batteries chimiques ou de cellules solaires. La première formule était retenue pour les missions courtes alors que l'on faisait appel aux piles solaires pour des vols de longue durée.
Les photo-piles ont l'avantage de donner une énergie gratuite et éternelle. Elles présentent l'inconvénient d'exiger des surfaces considérables si l'on désire des puissances importantes. Naguère, les rendements bruts étaient de 7 %, c'est dire que chaque mètre carré de panneau solaire exposé normalement au rayonnement de l'astre du jour fournissait 100 W. Il fallait de ce fait tabler sur 10 m2 pour obtenir 1 kW. C'était déjà beaucoup. Pour fournir 5 kW, 50 m2 sont requis. Une telle surface n'est pas loin d'être atteinte sur les satellites soviétiques de diffusion directe de la série Ekran. La présence de panneaux géants est à la rigueur acceptable en orbite géostationnaire où l'on a affaire à des engins dont l'attitude ne se modifie que très lentement. En orbite basse, en revanche, le recours à de larges surfaces est a priori exclu en raison du moment d'inertie aberrant que de grands panneaux solaires confèrent à un satellite : il ne s'orientera qu'avec peine.
En orbite basse, par surcroît, un satellite est couramment dans l'ombre de la Terre près de la moitié du temps, de sorte que si vous voulez disposer de 5 kW, ce sont finalement 100 m2 qui sont nécessaires...
Certes, les rendements de photopiles augmentent peu à peu. Actuellement, les satellites sont systématiquement équipés de batteries solaires dites de seconde génération, en attendant la troisième génération qui, avec l'asga, devrait assurer des rendements supérieurs à 15 %. C'est appréciable, mais le progrès est malgré tout très lent.
Ajoutons que les militaires n'aiment pas les cellules solaires qui, en cas de conflit, représentent les parties sensibles du satellite, celles que l'on chercherait à détériorer, en les soumettant à de fortes doses de radiation.


Un espion nucléaire

Précisément Cosmos 954 était un satellite militaire. C'était le 16e d'une série dont, depuis de longues années, les spécialistes ont suivi l'évolution. Il s'agit de satellites de surveillance des océans, ayant pour mission de suivre le mouvement des navires et éventuellement - par différentes méthodes à commencer par l'observation des changements d'aspects de la mer - de déceler les sous-marins nucléaires américains.
Le premier satellite de cette série avait été lancé le 27 décembre 1967 sous l'étiquette Cosmos 198. Les Soviétiques l'avait placé sur une orbite quasi-circulaire à 900 km de la Terre. A l'époque, la surveillance de l'océan s'effectuait par des moyens essentiellement optiques. Puis les engins se perfectionnèrent, le pas important ayant été franchi avec l'adoption du radar, particulièrement précieux pour la surveillance de la mer : au radar, l'océan peut en effet être scruté de jour comme de nuit. Mieux, on obtient les images les plus différentes selon l'état de la mer, cet état dépendant des conditions météorologiques, mais également de ce qui circule sous l'eau.
L'ennemi du radar, toutefois, c'est la distance. Dès l'instant où on l'utilise, non plus pour assurer de simples sondages mais pour fournir des images selon la technique de la radarphotographie, des énergies considérables deviennent nécessaires : l'énergie électrique requise croît en pratique comme la quatrième puissance de l'éloignement. Ainsi, longtemps, les spécialistes se contentèrent de faire porter les radars par des avions : le passage au satellite représentait un saut qui effrayait. Ce saut, les Américains vont bientôt l'effectuer avec leur SEASAT.
Les Russes ont franchi le pas avec leur seconde version de satellites de surveillance des océans. Ou du moins pour le franchir, ils n'ont pas hésité à mettre sur leurs satellites une pile atomique. Cette dernière se présente comme un réacteur de 450 kg. contenant 50 kg d'uranium très enrichi. Ce satellite lui-même offre l'aspect d'un cylindre long de 13 m pour un diamètre de 2 m.
L'avantage d'une pile atomique, c'est que rien ne limite la puissance. Pour un régime de 1 kW thermique, la consommation d'uranium 235 ne représente même pas 0,5 gramme par mois de fonctionnement. Dès lors, peu importe si l'on demande 5 ou 10 kW électriques, peu importe si pour créer ces kilowatts électriques, des puissances thermiques très supérieures sont nécessaires : le combustible ne fera pas défaut. La limitation de puissance avec une pile atomique tient non à la quantité d'énergie disponible, mais au problème de sa conversion, la plus grande partie de l'énergie restant sous la forme d'une chaleur qui doit être évacuée. Nous ignorons le détail des techniques retenues par les Soviétiques pour effectuer cette conversion. Nous retiendrons l'avis des spécialistes américains. Aux yeux de ces derniers, le problème n°1 étant de minimiser la chaleur à rayonner, il s'impose de donner la préférence au mode de conversion assurant le rendement maximal.
Une solution très élégante permet la production directe d'électricité par une pile atomique compacte : elle consiste à donner à l'uranium très enrichi la forme d'aiguilles, au milieu de cylindres dans lesquels règne le vide. Ces aiguilles, maintenues à haute température par la réaction en chaîne, se comportent comme des cathodes émettrices d'électrons, que la paroi des cylindres recueille. Quelque 60 cm2 d'électrodes sont nécessaires pour obtenir 1 kW, le rendement, toutefois, ne dépassant pas 16 %. On peut obtenir davantage avec la méthode thermodynamique : un cycle de Rankine utilisant le mercure assure des rendements proches de 40 % avec, malheureusement, l'inconvénient d'exiger turbine, compresseur et dynamo.
Quelle que soit la solution retenue, les équipements sont conduits en fait à travailler dans des conditions sévères de sorte que l'usure est rapide. On retiendra que le temps de vie des satellites soviétiques de surveillance des océans est très court : deux mois seulement en moyenne. Aucune mission n'a duré plus de 74 jours et cela est un sujet de méditation pour les experts occidentaux. Ils réalisent mal que les Russes construisent des engins aussi compliqués pour des services aussi brefs. Mais il n'est pas interdit d'attendre un allongement appréciable de la durée des missions.
Même avec les fortes puissances fournies par une pile atomique, la radarphotographie exige une orbite basse. A haute altitude, les exigences énergétiques deviendraient prohibitives. Telle est la raison pour laquelle les satellites soviétiques de surveillance des océans tournent à quelque 260 km de la Terre.
Et on retiendra que ces satellites sont le plus souvent lancés par couples. Ils prennent la route de l'espace depuis Baïkonour à quelques jours d'intervalle. Ainsi le 16 septembre dernier, Cosmos 952 avait été placé sur une orbite 258/278 km inclinée à 65,0° et décrite en 89,7 mn. Cosmos 954 fut le second satellite du binome : il fut, le 18 septembre, placé sur une orbite 259/277 km inclinée à 65,0° et décrite en 89,7 mn.
De tels engins doivent voler bas à une altitude où l'usure de l'orbite est relativement importante. Il ne faut évidemment pas qu'ils retombent dans l'atmosphère, la chute d'une pile atomique étant hautement déconseillée, même s'il est très peu probable qu'un grave dommage en résulte.
Qu'à cela ne tienne. Il suffit de doter ces satellites de moteurs que l'on remettra en marche une fois la mission terminée, en ayant prévu une réserve de combustible suffisante pour les transférer à quelque 1 000 km de la Terre sur des orbites circulaires qui leur assureront des siècles de vie.
Telle est la solution adoptée par les Russes. Au début, les Américains sont intrigués : ils n'arrivent pas à comprendre pourquoi, après quelques semaines de service, les Soviétiques élèvent soudain certains de leurs satellites. L'explication leur est fournie à la fois par les réflexions de leurs experts et par les photographies recueillies depuis le centre de poursuite optique du mont Sacramento : les images sont suffisamment bonnes pour montrer un système de refroidissement important. Dès lors, tout est clair....


Du plutonium sur la Lune

Les Russes ont donc trouvé une solution - économiquement très contestable, mais qui techniquement a le mérite d'exister - pour alimenter en énergie leurs satellites radar-photographiques. Cette solution est-elle autorisée par les conventions internationales ?
  Les stations automatiques ALSEP installées sur la Lune (ici lors de la mission Apollo 12) étaient alimentées par des générateurs radio-isotopiques SNAP 27.
Il faut répondre par l'affirmative, en vertu du principe selon lequel tout ce qui n'est pas interdit est permis. La mise en orbite de bombes atomiques, et d'une manière générale d'armes de destruction massive, est formellement prohibée aux termes du traité du 27 janvier 1967 concernant l'utilisation pacifique de l'espace. En revanche, la satellisation d'un réacteur nucléaire n'est nullement interdite dès l'instant où il est acquis qu'il ne saurait se transformer en bombe. C'est le cas si le taux d'enrichissement de l'uranium est inférieur à 90 %, et la seule indication d'une présence de 50 kg d'uranium permet d'affirmer que, sur Cosmos 954, cette condition était apparemment remplie avec une large marge de sécurité.
Non seulement la pile atomique embarquée n'est pas interdite, mais cette technique semble donc appelée à se généraliser. En fait, on sait qu'elle a très tôt retenu l'attention des Américains, ces derniers ayant développé à cette fin le programme SNAP (System for Nuclear Assistant Power). Sous cette appellation, deux catégories distinctes de générateurs se trouvent englobées :
1 - Les SNAP pairs sont des piles atomiques à uranium très enrichi, à l'instar du réacteur qui équipait Cosmos 954. A ce jour, officiellement, un seul SNAP de ce type a été mis en orbite par les Américains ; l'expérience a constitué l'opération Snapshot. Un réacteur de modèle SNAP 10 A a été placé sur un satellite lancé depuis Vandenberg le 3 avril 1965. Son coeur était constitué par de l'uranium très enrichi et de l'hydrure de zirconium : le régime était contrôlé par un réflecteur de neutrons mobile, en béryllium, les Américains ayant choisi en guise de fluide caloporteur le « nak » (sodium + potassium) qui, liquide, était dirigé vers un convertisseur tronconique comportant 72 thermocouples ; la partie extérieure de ce thermocouple servait de radiateur. Le réacteur avait une masse de 110 kg, et l'ensemble du SNAP 10 A pesait 440 kg : une puissance de 500 W était disponible. Elle était utilisée à alimenter un moteur ionique. Ce SNAP 10 A, dans l'espace, fonctionna pendant 40 jours, ayant essentiellement constitué un banc d'essais. Sa fusée l'avait placé sur une orbite 1296/1329 km quasi polaire et, actuellement, il gravite encore à plus de 1 000 km sans que se pose le risque de sa retombée dans un avenir prévisible.
Au cours des prochains lustres, d'assez nombreux SNAP pairs pourraient être lancés : aux Etats-Unis, les militaires réclament en effet instamment des générateurs de ce type pour leur programme dit de défense spatiale. Ils pourraient être adoptés pour des programmes civils.
2 - Les SNAP impairs sont des générateurs radio-isotopiques. La source d'énergie est constituée par un radioélément entouré d'un blindage qui arrête son rayonnement de sorte que l'énergie se trouve transformée en une chaleur que des thermocouples convertiront aisément en électricité.
Plusieurs radioéléments - cérium, polonium, strontium, curium - ont été choisis pour les modèles d'étude ou pour les applications terrestres. Les SNAP embarqués ont utilisé le plutonium 238, la première satellisation d'un générateur radio-isotopique ayant eu lieu le 29 juin 1961 : il s'agissait d'un SNAP UA de 2,1 kg contenant 95 grammes de plutonium 238, qui avait trouvé place sur le satellite de navigation Transit 4A. La puissance électrique était en 2,7 W.
Relativement facile à produire en quantités importantes, le plutonium 238 devrait être, par la suite, assez largement employé. Nous retiendrons que les Américains ont monté des SNAP, au plutonium 238 sur divers satellites. Des SNAP 27 fournissant 65 W électriques ont alimenté par ailleurs les cinq stations automatiques ALSEP installées sur la Lune par les astronautes des missions Apollo. Les engins destinés à l'exploration de l'espace lointain - Pioneer 10, Pioneer 11, Voyager 1, Voyager 2 - sont dotés de SNAP et ce sont également des générateurs au plutonium 238 - en l'occurrence des SNAP19 - qui équipent les Nimbus, un satellite de cette série, le Nimbus G, devant être lancé cet été.
La puissance thermique du plutonium 238 étant de 560 W/kg, il est facile de calculer la masse requise en fonction de la puissance désirée et du rendement. Naguère, c'est la solution du thermocouple qui fut retenue, mais elle impliquait de tabler sur 10 kg d'uranium pour obtenir quelque 250 W électriques avec un rendement de 5 %, les
Américains ayant pour les fortes puissances de demain retenu le principe d'un travail en deux temps - évacuation de la chaleur par du nak, dirigé ensuite vers un convertisseur - comme sur le SNAP 10 A, cette analogie de technique justifiant d'avoir englobé sous une même rubrique générateur radio-isotopique et réacteur nucléaire.
Lors de l'opération Snapshot, un petit réacteur nucléaire, le SNAP 10 a été fixé sur ce cône. L'énergie de 500 watts, fournie alimentait un moteur ionique.
La période du plutonium 238 est de 90 ans. Cela implique qu'au bout d'une telle durée, la perte de puissance électrique sera de 50 %. En fait le temps de service d'un SNAP tient moins à sa source radioactive qu'à la dégradation des matériaux semi-conducteurs producteurs d'électricité. Les Américains seront très satisfaits si les SNAP de leur Voyageur 2 peuvent fonctionner pendant les 12 années que va requérir le vol Terre-Neptune.

L'accident d'Apollo 13

De l'uranium ou du plutonium, lequel est le moins dangereux ? Chaque formule possède ses avantages et ses inconvénients. Si l'on se place sous l'angle de la radioactivité du combustible, nul doute que la préférence doive être donnée à l'uranium 235 qui est 9 millions de fois moins actif que le plutonium 238. 50 kg d'uranium 235 ont la radioactivité de 6 milligrammes de plutonium 238, ou encore de 0,1 gramme de radium, une masse qu'il n'est pas conseillé de mettre dans sa poche mais qui est quasiment inoffensive aussi longtemps que vous ne vous placez pas à sa proximité immédiate. Et nous l'avons dit : il existe un rapport obligatoire entre la quantité de plutonium et la puissance disponible. Pour obtenir 5 kW électriques, une masse de 300 kg de plutonium 238 est nécessaire et à première vue une telle masse apparaîtra effrayante.
13 avril 1973 : une explosion détruit une partie du module de commande de la capsule Apollo 13 qui se dirige vers la Lune. Les astronautes utilisent le module lunaire comme chaloupe de sauvetage avant de l'abandonner. Au lieu de se perdre dans l'espace interplanétaire, ce module retombera dans l'océan engloutissant un générateur radio-isotopique contenant du plutonium. Selon les Américains, l'enveloppe du plutonium aurait résisté... 
Les partisans de cette formule font toutefois remarquer que les trois accidents enregistrés dans le passé avec des SNAP au plutonium, furent sans conséquence, ces accidents ayant été les suivant :
- En 1964, la retombée d'un Transit dans l'océan Indien. Le satellite s'est entièrement consumé. Le plutonium s'est trouvé gazéifié, il a été répandu dans l'atmosphère sans élever sensiblement son taux de radioactivité car l'apport a été comparable à ce que produit une petite fluctuation du rayonnement cosmique. Le vrai danger était chimique : on ignore en réalité où est allé ce plutonium ; s'il s'était concentré en quelque lieu à la surface de la Terre, le risque aurait pu être considérable.
- En 1968, la chute d'un Nimbus par suite d'une défaillance de sa fusée. La capsule contenant le plutonium 238 a été repêchée intacte. Telle est la formule de protection qu'avait imaginée les spécialistes : assurer au plutonium une enveloppe capable de résister à toute chute accidentelle dans l'atmosphère.
- En 1970, à la suite de l'accident d'Apollo 13, le module lunaire qui avait servi de chaloupe spatiale retomba sur la Terre et s'engloutit dans l'océan avec son SNAP. Les Américains considèrent que, là encore, l'enveloppe du plutonium dut résister.
L'uranium 235 a pour lui l'avantage de sa faible radioactivité. Et nous le notions : il n'est pas nécessaire d'augmenter la masse embarquée pour obtenir des fortes puissances. Il semblerait donc que la pile atomique soit la formule, à la fois techniquement la plus intéressante, et matériellement la plus sûre pour fournir à un satellite de grandes quantités d'énergie. Un point noir est l'accumulation des déchets. Le péril ne vient pas de l'uranium lui-même, et on ne saurait le chercher dans la formation de plutonium 239 qui sera en tout état de cause très peu importante, dès l'instant où l'on aura affaire à de l'uranium très enrichi. Mais on doit se préoccuper des produits de fission, le barème étant le suivant.
Nous notions ci-dessus que pour un mois de service sous 1 kW thermique, une pile consomme 0,5 gramme d'uranium 235. Entendons qu'elle donne à peu près la même masse de déchets radio-actifs. Imaginons ainsi une pile ayant fonctionné sous 100 kW et qui rentrerait dans l'atmosphère après 1 an de service et vous devrez comprendre qu'elle renfermera en son sein 600 grammes de déchets. Ce n'est pas négligeable du tout.
Actuellement, le législateur s'emploie à définir des normes quant à l'utilisation de l'énergie nucléaire sur la Terre. Il devra étendre sa réglementation à l'espace...

Retour sommaire