En septembre 1954, l'armée soviétique exposa sciemment des civils et des militaires aux retombées d'une bombe atomique de 20 kilotonnes, explosée à 350 m au-dessus de la ville de Totskoye, dans l'Oural. Nous l'avons rapporté dans notre précédent numéro (p. 16). Depuis, de nouveaux chiffres ont été révélés: outre les 45 000 soldats qui furent exposés - quand les généraux décidèrent de leur imposer des exercices militaires sur les terrains encore brûlants de radioactivité -, il y avait aussi des civils: un million de personnes environ, réparties dans un rayon de 160 km autour du site de l'expérience. En effet, Kouibichtchev (aujourd'hui Samara), alors peuplée de 800 000 habitants, se trouve à 130 km à l'ouest du site et Orenbourg, 265 000 habitants, à 160 km à l'est.
Un film, tourné par les services de l'Armée rouge, témoigne de la véracité des faits. Tandis que les cameramen commencent à filmer, un commentateur explique que l'objectif de l'exercice est de savoir si les troupes seront capables de combattre dans une zone sous bombardement atomique. Les soldats, pour la plupart de jeunes recrues, des milliers de véhicules, des centaines de canons et de tanks, sont à proximité du point zéro. A une quinzaine de kilomètres de là, prudents, des généraux soviétiques, des membres du ministère de la Défense et quelques invités des pays de l'Est sont bien à l'abri dans un poste de commandement. Parmi eux, le maréchal Georgi Joukov, héros de la Seconde Guerre mondiale, qui dirige l'exercice.
Le champignon atomique se forma quasiment à la verticale des troupes. Après la dispersion des ondes de choc, les soldats sortirent de leurs abris ou tranchées et s'élancèrent dans la fournaise radioactive à l'assaut d'une cible imaginaire. Dans le film, on les voit courir entre les maisons en flammes, parmi des animaux brûlés par la chaleur et les radiations et le matériel militaire calciné.
Ce n'est pas le seul chapitre de l'expérimentation sur des êtres humains dans l'histoire du xxème siècle, ni même dans celle de la guerre froide: les dossiers du KGB, récemment entrouverts, montrent que dans l'ancienne URSS, des centaines de milliers d'individus ont été eux aussi exposés aux radiations, à leur insu mais en pleine connaissance de cause des responsables. Cela s'est produit surtout au Kazakhstan, comme on va le voir, mais aussi en Nouvelle-Zemble, en Sibérie, dans l'Oural... L'inventaire des victimes sera probablement impossible à dresser. Mais l'institut médical de Semipalatinsk, au Kazakhstan oriental, contient une collection de foetus et d'enfants nouveau-nés conservés dans des bocaux de verre. Ce véritable catalogue de malformations provient de la maternité de l'hôpital voisin, situé à 165 km de ce que l'on appelle "le polygone": 18 500 km2 de steppe où les explosions atomiques se sont succédé pendant plus de quarante ans.
La Kazakhstan tient donc la vedette dans la géographie de l'horreur. Des dizaines de milliers de vies y furent sacrifiées par les dirigeants soviétiques, pour préparer leur "grand coup" contre le capitalisme. C'est dans cette république que la première bombe soviétique explosa le 29 août 1949, donnant naissance à un nuage radioactif qui dériva vers l'est, jusqu'aux montagnes de l'Altaï. Depuis, ce pays devint la terre de prédilection des militaires soviétiques.
Aujourd'hui, le Kazakhstan est peuplé d'environ 17 millions d'habitants (40 % de Kazakhs, 40 % de Russes, et 20 % appartenant à 130 ethnies différentes). Avec 2,7 millions de kilomètres, sa surface équivaut à celle d'environ cinq France. Un quart du territoire kazakh est occupé par les terrains d'essais et des usines militaires. On y a fait exploser 466 bombes atomiques: 26 au sol, 90 en altitude et après la signature en 1963 du traité de limitation des essais nucléaires, 350 sous terre. Le tout dans des conditions qui ont conféré à ce pays le triste record mondial de contamination nucléaire. Ainsi, les explosions au sol ont dispersé des poussières radioactives sur 800 villages jusqu'à plus de 100 km du site - Semipalatinsk a reçu des retombées à 90 reprises, 11 des 90 explosions dans l'atmosphère ont projeté des nuages radioactifs à des milliers de kilomètres. Un tiers environ des explosions souterraines ont projeté débris et poussières radioactives dans l'atmosphère, et, à 30 reprises, la contamination atteignit des régions peuplées.
Les scientifiques parlent enfin librement. Et l'on commence à mesurer la catastrophe infligée à ce pays. Lors de ces essais, militaires et civils continuèrent à être exposés aux radiations. Le Dr Gusuv, qui dirige aujourd'hui l'institut de radiation et d'écologie du ministère de la Santé du Kazakhstan, se souvient de l'essai, en 1953, de la première bombe à hydrogène mise au point par le physicien Andreï Sakharov. 14 000 personnes, rapporte-t-il, furent exposées aux retombées. L'armée fit évacuer 191 habitants du village de Karaoul à 120 km de l'épicentre, mais y laissa 49 hommes adultes auxquels elle ordonna de rester dehors. On fit boire à la moitié d'entre eux de la vodka, dont on pensait qu'elle avait des vertus radioprotectrices. Par la suite, on fit des examens de sang et de tissus des victimes irradiées. Seuls trois hommes survécurent. Des survivants d'autres villages témoignent qu'on leur ordonnait de rester en dehors de leurs maisons pendant les essais atomiques, parfois sous le prétexte que les maisons risquaient de s'écrouler...
Le géologue Evgeni Alexandrovitch, employé pendant neuf ans au polygone, se trouvait dans la cabine d'un camion lorsqu'une explosion atomique se produisit à 70 km de là. " Nous voyions le champignon atomique, et le vent soufflait dans notre direction ", dit-il Protégé par la cabine, il fut le seul survivant. Par la suite, il dut creuser, sans même la protection d'un masque, sur le site d'une explosion souterraine pour y récupérer des roches contaminées. Il est aujourd'hui atteint d'un cancer.
Or, ce n'était pas la seule guerre froide qui motivait cette cruauté, mais aussi des projets "pacifiques" mégalomaniaques. En 1974, une bombe de 140 kt fut ainsi mise à feu à 100 m sous le lit de la rivière Tchagan, pour relier celle-ci à la rivière voisine d'Achys, afin d'améliorer l'irrigation de la région. Au lieu de creuser un cratère de retenue, où l'on pensait édifier un barrage, la bombe projeta dans l'air des tonnes de roches et de poussières radioactives dont les retombées furent équivalentes à celles d'un essai au sol, soit de 3 000 à 4000 fois supérieures à la norme internationale.
On n'en resta pas là : on fit exploser d'autres bombes atomiques sous terre pour creuser des cratères utilisés ensuite comme poubelles pour les déchets nucléaires. Trente-sept cratères ont été dénombrés, dont dix-sept non loin de la mer Caspienne. En 1989, les autorités militaires du polygone apprirent au gouvernement du Kazakhstan qu'un nuage radioactif de 10 km de diamètre avait été dégagé par un essai souterrain. Les Nations unies s'en inquiétèrent et demandèrent une enquête... qui fut menée par les autorités soviétiques. Conclusion : tout allait bien. Les maladies qui avaient été signalées étaient sans doute dues à la "radiophobie" - peur irraisonnée des radiations -, à l'alcoolisme, à une mauvaise alimentation et à une pollution chimique.
Quelles furent les réactions ? Nursultan Nazarbaïev, président du Kazakhstan, alors Premier ministre de la République soviétique du Kazakhstan, ne pouvait interdire les essais (dont Moscou n'ignorait pas les risques, puisqu'il avait offert une compensation de 500 millions de roubles.) Mais il encouragea la création d'un mouvement antinucléaire, nommé Nevada-Semipalatinsk, dont Oljas Suleimanov écrivain populaire et homme politique prit la direction. Nommé premier secrétaire du parti communiste du Kazakhstan en 1989, Nazarbaïev continua à s'opposer aux essais atomiques, au point d'être réprimandé par Gorbatchev lui-même pour avoir mis en cause un programme important. Ce ne fut qu'en 1991 que Nazarbaïev put signer le décret de fermeture du polygone, et il se plaît à souligner que son pays fut le premier, avant les Etats Unis, la Russie ou la France, à fermer définitivement un site d'essais nucléaires.
Les rapports sur la contamination nucléaire du Kazakhstan, même partiels et contradictoires, confirment qu'une vaste région de ce pays est contaminée. Elle a subi une irradiation d'un niveau comparable à celui de Tchernobyl pendant quarante ans
Cela n'est certes pas "de la vieille histoire" : les conséquences sont présentes. Les reflets les plus sûrs de l'état de santé d'une population sont la mortalité infantile et l'espérance de vie. Or, selon le Dr Gusuv, le taux de mortalité infantile dans les environs de cette ville est dix fois plus élevé qu'avant les essais atmosphériques. Et, selon Rizatay Aytmagenbetov, radiologue en chef au ministère de la Santé, l'espérance de vie dans la région du polygone est abrégée de quinze ans par rapport au reste du pays. Le Dr Gusuv fait encore état d'une augmentation importante du nombre d'avortements spontanés, de cas d'anémie et d'anomalies chromosomiques. Pour le Pr Vyatcheslav Tcherenkov, directeur du service de cancérologie de l'institut médical de Semipalatinsk, le taux de cancers du colon et du rectum a triplé depuis dix ans, celui de cancers de l'ovaire a été multiplié par sept, celui de cancers du sein a doublé.
L'épisode de Totskoye reste certes le plus atrocement spectaculaire qu'on connaisse (à ce jour) de la guerre froide, où les grandes puissances poursuivaient leur course effrénée aux armements et où - on le reconnaît aujourd'hui - l'on foula aux pieds les considérations morales. Il suffirait à la condamnation sans recours d'un régime politique. Mais, stupeur, aux Etats-Unis, des enquêtes commencent à révéler des faits aussi choquants, enfouis dans quelque 32 millions de pages de documents encore classés secrets.
MENSONGES sur LES ESSAIS
La fameuse guerre froide ne fut pas si froide : plus de 2 000 bombes y ont été mises à feu ! Près d'un millier de tirs américains, à peu près autant de tirs soviétiques, de 180 à 200 français, quelques dizaines d'essais britanniques (en Australie et au Nevada), à peu près autant en Chine (desquels on ne sait quasiment rien).
Les mensonges se dissipent lentement. Le secrétaire d'Etat à l'Energie américain, Hazel O'Leary, a révélé que son pays a fait, en quarante-cinq ans, 204 essais nucléaires secrets (le dernier en avril 1990) et mené des expériences sur quelque 700 "cobayes humains". Ces essais ont requis 98 tonnes de plutonium et ont laissé un héritage qui risque de coûter cher au Departement of Energy (DOE), successeur de l'Atomic Energy Commission: 33,5 t de plutonium, dispersées dans diverses "Poubelles" nucléaires dont certaines ne correspondent pas aux normes de sécurité. Au sommet de la liste des sites suspects se trouvent les sites d'essais d'armes nucléaires, qui couvrent quelque 10 000 Km2 dans treize Etats. A Hanford (Etat de Washington), on a jeté tellement de déchets nucléaires que personne ne sait exactement ce que contiennent les réservoirs.
Thomas Grumbly sous-secrétaire du DOE, responsable de la restauration de l'environnement et de la gestion des déchets, a déclaré à notre confrère Newsweek que le nettoyage de toutes ces poubelles coûterait plus de 300 milliards de dollars, mais qu'il faut néanmoins lever le sceau du secret et se mettre à la tâche, car les sous-produits de l'obsession nucléaire du temps de la guerre froide " représentent le plus grand risque pour l'environnement et la santé de la nation ".
Quant à la France, rappelons que, comme la Chine, elle n'a pas signé le traité de Moscou interdisant les tirs aériens. Ce n'est qu'en avril 1992 que Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, annonçait la suspension des essais nucléaires pour un an.
Le secrétaire d'Etat à l'Energie, Hazel 0'Leary, a révélé en effet qu'en plus d'avoir dissimulé à l'opinion nationale et internationale 204 tirs nucléaires, les autorités américaines avaient mené des expériences sur quelque 700 "cobayes humains" et exposé des milliers de personnes à des retombées radioactives, quoique de moindre intensité que celles reçues par des milliers de Soviétiques.
Pour mémoire, le premier essai américain eut lieu au Nevada, à 100 km de Las Vegas, le 16 juillet 1945. Son succès mena à l'utilisation de deux bombes atomiques d'une puissance équivalente à 20 kt de TNT contre le Japon: Hiroshima le 6 août 1945 et Nagasaki trois jours plus tard. A la fin de la guerre, deux des îles Marshall, placées sous tutelle américaine, furent choisies pour les essais américains: le fameux atoll de Bikini et Eniwetok. Les habitants furent évacués vers des îles voisines, et les essais commencèrent avec un tir de 20 Mt le 1er juillet 1946. Le 24 juillet suivant fut marqué par l'échec d'une conférence internationale sur le contrôle des armes nucléaires. Deux jours plus tard, à Bikini, une bombe de 50 Mt explosait sous l'eau, détruisant plusieurs navires vides. Un documentaire de Robert Stone, Operation Crossroads, montre les marins de l'US Navy montant à bord des navires qui n'ont pas coulé, dans le crépitement des compteurs Geiger. Le narrateur a survécu à l'opération, mais en bien piteux état: il a perdu ses deux jambes, amputées après qu'elles ont gonflé démesurément, et son bras gauche fut atteint de la même "mystérieuse" maladie, dont il est mort.
Les essais aux îles Marshall furent poursuivis jusqu'en 1958; ils furent suivis d'une décontamination partielle dans les années soixante. Mais, après un début de réoccupation de Bikini, la radiation resta trop forte pour y vivre en permanence, et l'île fut de nouveau évacuée à la fin des années soixante-dix.
Les effets de la nouvelle "arme absolue" étaient théoriquement mal connus: telle est aujourd'hui la grande excuse de ces expériences. Mais l'assertion laisse sceptique : si l'on ne connaissait pas ces effets aussi bien qu'aujourd'hui, on les savait nocifs. Ainsi, dès 1895, Becquerel avait noté que le radium provoquait une dermite. En 1928, déjà, les radiologues, alertés par le fait que tant des leurs mouraient des effets des radiations, avaient fondé la Commission internationale pour la protection contre les radiations ionisantes. Et plaider l'ignorance sied mal en tout cas aux autorités américaines: quand, en 1942, Fermi construisit à Chicago le premier réacteur nucléaire, celui dont sortit donc la bombe, on se soucia d'emblée de la protection des chercheurs; ce fut l'année où fut fondé le groupe de radioprotection Health Physics, qui essaima des équipes dans d'autres centres de recherche atomique. On s'équipa donc à Chicago, puis, en 1943, à Oakridge, de dosimètres et autres appareils de mesure, ainsi que d'écrans, Néanmoins, sur le reste du territoire, militaires et scientifiques américains se livrèrent à des expériences sur des cobayes humains.
Ainsi, dans les années quarante, on administra à plus de 700 femmes enceintes, venues dans un service de soins gratuits de l'université Vanderbilt (Tennessee), des pilules radioactives exposant les foetus à des radiations trente fois supérieures à la normale, ce qui n'était pas considéré comme dangereux à l'époque. Tous les enfants ne furent pas suivis après leur naissance, mais on sait que trois d'entre eux moururent de cancers, deux à l'âge de 11 ans et un à 5 ans. Dans le Massachusetts, on servit à des enfants handicapés mentaux de la nourriture contenant des éléments radioactifs.
Selon un autre rapport, une contamination radioactive de l'atmosphère fut délibérément provoquée lors d'essais secrets au Nouveau Mexique, au Tennessee et dans l'Utah, entre 1948 et 1952. Ces expériences faisaient partie des "recherches sur la radioprotection", car on craignait que les Soviétiques missent au point une arme spécifiquement radiologique. Dans certains cas, on libéra dans l'atmosphère des radionucléides (isotopes radioactifs produits par une explosion) déterminés, pour en suivre le cheminement. Ainsi, les chercheurs du centre nucléaire de Hanford, à Richland (Etat de Washington), lâchèrent un nuage d'iode-131 contenant plusieurs centaines de fois la radioactivité libérée, en 1979, lors de l'accident de la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie. L'iode radioactif peut s'accumuler dans la thyroïde et y provoquer un cancer (comme ce fut le cas chez de nombreux enfants à la suite de l'accident de Tchernobyl). Ce nuage-là se répandit jusqu'en Oregon et en Californie.
Et cela dura. En 1963 (là, on était pourtant édifié sur les effets de la radioactivité !), 131 détenus de prisons d'Etat de l'Oregon et de Washington se portèrent "volontaires", en échange d'un dédommagement de 200 dollars chacun, pour recevoir de fortes doses de rayons X (jusqu'à 600 röntgens) aux testicules. On put ainsi constater qu'une dose de 15 röntgens ou plus entraînait une stérilité transitoire, mais que la production de sperme reprenait après l'interruption de l'irradiation. Certains de ces détenus furent observés pendant plusieurs années, sans qu'on pût confirmer chez eux l'apparition de cancers résultant de l'irradiation. Après l'expérience, les détenus de l'Oregon furent vasectomisés pour éviter qu'ils n'engendrent des enfants atteints de mutations.
Une autre expérience a consisté à injecter à des patients hospitalisés de petites doses de plutonium afin d'en suivre le devenir dans l'organisme. Une grande partie de ces patients étaient gravement malades et on ne s'attendait pas à ce qu'ils vivent longtemps, mais certains survécurent pour raconter leur histoire. Ainsi, un ouvrier qui s'était blessé à la jambe y reçut une injection de plutonium 239. Trois jours plus tard, la jambe fut coupée et emportée par des chercheurs. L'homme survécut quarante-quatre ans.
Nous décernerons-nous, en France des satisfecit puisqu'il n'existe pas de témoignages comparables ? Ce serait peut-être hâtif. La France, troisième puissance nucléaire, a enregistré près de 200 tirs (officiels, car le nombre exact relève du secret Défense). Alors que les Etats-Unis reconnaissent la contamination des îles Marshall et lèvent le voile du secret sur les expériences biologiques, et que les Russes ouvrent les archives du KGB, en France on ne sait rien, même des effets sur les humains. Michel Daëron, journaliste et cinéaste, a réalisé pour La Sept-Arte-Point du Jour un documentaire intitulé Mururoa, le Grand Secret, où il tente d'évaluer les conséquences de trente-deux ans d'essais français dans le Pacifique. Manque de données, mutisme des militaires qui sont pratiquement la seule source d'informations "officielles", limites imposées aux missions scientifiques indépendantes, projettent une image trouble. Daëron a interrogé des sages femmes, qui évoquent " une flambée de malformations ". Son film montre deux abris atomiques; celui pour la population est une bâtisse en tôles, alors que celui pour les militaires est doté de murs épais d'un mètre...
Pourquoi, demande-t-il, les causes de mortalité à Tahiti disparaissent-elles, dès 1963, à la fois des tables de l'Organisation mondiale de la santé et aussi du Journal officiel où elles étaient régulièrement publiées ? Combien de cancers sont dûs aux expériences nucléaires ? Combien de malformations chez les nouveaux nés, d'accidents de contamination ? Il ne peut répondre à ces questions, et cela même justifie qu'elles soient sérieusement posées.
Alexandre Dorozynski et Petra Cambell,
Science & Vie n° 917, février 1994.